Arrivé en Italie en même temps que Sébastien Frey, Rodrigue Boisfer est devenu le doyen des français de la Botte depuis que le gardien a quitté la Serie A l’été dernier. Il boucle en effet sa 16ème année chez les pros et nous raconte son parcours du Genoa à Gubbio.

Raconte-nous ta formation en France et ton arrivée en Italie

J’ai effectué ma formation à l’AS Monaco et alors que j’étais encore au centre, mes agents m’ont parlé de cette possibilité d’aller au Genoa pour faire un stage. C’est l’été 1998, j’ai 18 ans et je signe un contrat pro. J’avais aussi fait un stage à Cannes, mais on m’y proposait un contrat de stagiaire.

Tu as fréquenté les équipes de jeunes françaises ?

Oui, des U15 aux U20, j’ai notamment disputé le tournoi de Montaigu. J’ai eu Raymond Domenech comme sélectionneur qui m’a reproché mon choix d’aller en Italie et on s’est brouillé à cause de ça.

Plus jeune, tu avais une attirance pour le football italien ?

Pas forcément, mon rêve c’était de jouer à l’OM comme tout marseillais, voire continuer à Monaco.

Finalement tu quittes le rocher pour Gênes qui n’est pas bien loin, ça a joué dans ta décision ?

Oui car j’étais à 1h15 de Monaco et à trois heures de Marseille en voiture. Ce transfert ne m’a pas trop déstabilisé de ce point de vue. Mes parents venaient souvent et je rentrais régulièrement voir mes potes à Monaco.

Et comment se passe ton arrivée au Genoa alors en Serie B ?

Quand je débarque, il y avait 35 joueurs ! Donc le coach m’a dit d’attendre au moins janvier avant de pouvoir espérer jouer. Je m’entrainais avec l’équipe Une et le samedi je jouais avec la Primavera. Je fais mes débuts pros en mars 1999 à Pescara, c’est Gigi Cagni venu remplacer Bepi Pillon qui m’a lancé, une grosse émotion, même si on perd le match.

“Le Genoa m’est resté dans le cœur”

Tu as connu 13 entraineurs et 4 présidents en 6 ans au Genoa, comment as-tu géré ça ?

J’étais dans la période où ce n’était pas très facile. Du coup je tombais sur des entraineurs qui me faisaient jouer, d’autres non…

Et quel était l’objectif du club à l’époque ?

De remonter en Serie A, les équipes étaient à chaque fois construites pour car la place du Genoa n’est pas en Serie B.

Quel rôle as-tu eu dans l’effectif durant ces cinq saisons et demies ?

J’étais une bonne doublure, un jeune qui travaillait bien. Le club misait sur moi, j’étais apprécié par les entraineurs, présidents et supporters et donc je jouais assez souvent.

D’ailleurs tu as vu débarquer Enrico Preziosi, l’actuel président, il t’avait fait bonne impression ?

Ah oui oui, on savait que c’était quelqu’un d’important qui allait ramener le Genoa à l’endroit où il le mérite et c’est ce qu’il a fait. Et d’ailleurs je suis content car cette équipe m’est restée dans le cœur.

Tu quittes le Genoa pour Venezia en janvier 2005, pourquoi ?

En fait je me suis fait les croisés six mois plus tôt et pour me faire jouer, on m’a prêté à Venezia qui était aussi en Serie B afin de reprendre le rythme. Mais je n’ai joué qu’un seul match car ça ne s’est pas très bien passé au niveau du staff médical.

S’ensuivent des passages à Perugia et aussi la Sangiovannese où tu croises Gaël Genevier le globe-trotter français du foot italien, si tu as un message à lui passer, c’est le moment !

Volontiers ! J’espère qu’il continue de faire une bonne carrière car c’est vraiment un très bon joueur et je suis très content de l’avoir connu, surtout en tant que personne. D’autant que l’année où on a joué ensemble, c’était la galère avec un président inexistant, mais on avait réussi à se sauver.

De 2007 à 2009, te voilà à la Pro Sesto en Serie C1, dans la banlieue milanaise.

On se sauve la première saison et la seconde on perd aux play-out contre Venezia, là aussi on n’avait plus de président ! J’ai apprécié la vie milanaise, même si j’habitais à Monza qui est une très belle ville. J’ai vraiment vécu deux belles années avec ma famille.

Nous voici à Gubbio en juillet 2009 et d’où tu n’es plus jamais reparti. Tu choisis à l’époque de descendre d’un cran et d’accepter la Serie C2.

Il y avait pas mal d’équipes de Serie C1 intéressées mais il fallait attendre, à Gubbio l’entraineur était Vincenzo Torrente, c’était sa première année et vu qu’on avait joué ensemble au Genoa, il m’a proposé de venir. Au début je n’étais pas trop chaud pour la C2 car une fois que tu y descends, c’est compliqué de remonter. Mais vu que j’avais eu un très bon feeling en tant que coéquipier, j’ai accepté et c’était un bon choix.

Effectivement puisque vous passez de la Serie C2 à la Serie B en deux ans !

Oui, c’était vraiment quelque chose d’exceptionnel pour un petit club habitué à la Serie C ou à la Serie D !

Maintenant tu es un des plus anciens de l’effectif et même capitaine.

Briganti est parti à Monza en janvier et j’ai récupéré le brassard. Je suis vraiment content d’être ici, les supporters m’apprécient beaucoup car je mouille énormément le maillot.

Seulement tu es en fin de contrat, quel est le projet ?

Je ne sais pas encore, il faut que je vois avec la direction, mais j’aimerais peut-être me rapprocher de la maison, je suis partagé.

“On allait à l’entrainement ensemble avec Milito“

Et celui du club ?

D’aller aux play-off je pense, mais rester dans cette division serait déjà une bonne chose.

Avec tout ça, on a oublié de parler de ton poste !

Milieu de terrain, devant la défense. Quand j’étais jeune j’ai commencé attaquant, à Monaco j’étais même défenseur central et c’est au Genoa que j’ai joué au milieu.

Durant ces 16 saisons, peux-tu nous parler des coéquipiers qui t’ont marqué ?

D’abord Alessandro Sandreani mon ancien capitaine de Gubbio avec qui on a mené de nombreuses batailles au milieu de terrain. J’ai croisé aussi un grand nom comme Diego Milito au Genoa, on habitait à côté et on allait à l’entrainement ensemble ! Je citerais aussi Mutarelli avec qui j’ai eu aussi un très bon feeling.

Et un adversaire ?

J’ai croisé du beau monde en Serie B à l’époque car c’est pas comme maintenant où ce sont beaucoup de jeunes, il y avait beaucoup d’anciens joueurs de Serie A. Mais un qui m’a vraiment plu, c’est Marco Verratti, j’ai joué contre lui quand il était à Pescara et on voyait déjà qu’il avait de grosses qualités et qu’il allait faire quelque chose de grand.

Un endroit ?

Le Marassi où joue le Genoa et la Samp, c’est un superbe stade, sans piste d’athlétisme, les gens sont proches du terrain. J’ai joué un derby et c’est vraiment incroyable. Je me souviens aussi du San Paolo, le stade du Napoli.

16 saisons en Italie mais pas une en Serie A, as-tu eu l’occasion d’y évoluer ?

Et oui ! L’année où je me suis fait les ligaments, je devais signer avec Lecce. On devait se voir à Rome pour signer le contrat, mais la veille je me suis blessé. Ça a vraiment été un moment difficile de ma carrière, et j’étais même tenté d’arrêter. Je dois remercier ma femme et sa famille qui m’ont bien aidé et donné l’envie de continuer.

Et l’occasion de revenir en France ?

Oui les premières années, j’aurais pu par exemple aller à Nice et même l’OM. Lorsque Galtier entrainait l’équipe en 2001, on avait fait un amical avec le Genoa et je les avais intéressés. C’était presque fait, mais Tapie est revenu aux affaires et ça a tout bloqué…

Aujourd’hui conseillerais-tu à un jeune français de quitter la France pour l’Italie à 18 ans comme tu as fait ?

Le foot italien a beaucoup changé, je pense que ça serait plus compliqué car avec les nouvelles règles concernant les bonus économiques, on tend à faire jouer les jeunes du centre de formation. Il y a plus de concurrence au niveau des jeunes joueurs.

16 ans en Italie, on imagine que tu comptes t’y installer sur le long terme ?

Je me suis marié avec une italienne, j’ai deux enfants, ma maison à Gênes, je me suis posé en Italie… Mais j’aimerais bien rentrer en France, par exemple à Menton, c’est une ville que j’aime beaucoup. J’aime la Côte d’Azur et y ait passé toute ma jeunesse.