Calciostory : Inter–Milan AC 1967, et la moviola était lancée
8 octobre 1967, Che Guevara est dénoncé aux forces spéciales boliviennes, et c’est plus de 1800 soldats qui viennent prendre d’assaut le campement de la guérilla, situé au village de La Higuera. Le lendemain, le célèbre révolutionnaire est fusillé. Treize jours plus tard, le 22 octobre, à plus de 10.000 km de la Bolivie, c’est une nouvelle révolution, bien qu’avec une toute autre proportion, qui naît, en Italie. C’est jour de derby à Milan. L’Inter d’Helenio Herrera, battue quelques mois plus tôt par le Celtic en finale de Coupe des clubs champions européens, reçoit le Milan AC de Nereo Rocco pour la cinquième journée de championnat. Ça ne va pas fort pour les Nerazzurri (8es), qui n’ont remporté qu’un seul match jusque-là, contre le Lanerossi, l’ancien nom du club de Vicenza. De leur côté, les Rossoneri ont deux victoires et deux nuls, ce qui leur permet de coller à l’AS Roma, capolista. Un peu avant l’heure de jeu, l’Inter ouvre le score, grâce à Victor Benitez, justement un ex du Milan AC, « celui qui ne marquait jamais », selon Sandro Mazzola. Vingt minutes plus tard, Gianni Rivera répond par son talent et inscrit le but égalisateur. Le score en reste là, mais c’est alors un nouveau match qui commence, en dehors du terrain.
Sassi et Domenica Sportiva
Le but de Rivera avait déjà fait réagir les joueurs de l’Inter qui avaient alors affirmé que le ballon n’était pas rentré. Celui qui était en train de construire sa légende chez les Rossoneri avait envoyé le cuir sur la transversale, avant de retomber sur la ligne et d’être dégagé par Burgnich. Mais pas de doute pour l’arbitre, le but est bel et bien accordé. À l’époque, les débats télévisés sur le sport existent déjà. À la Rai, c’est le journaliste Carlo Sassi qui présente Domenica Sportiva, où l’on parle des matchs qui viennent de se jouer. Seulement, cette fois-ci, impossible de réellement trancher la question. A-t-il oui ou non passé la ligne des buts ? Pour y répondre, Carlo Sassi, accompagné d’Heron Vitaletti, utilise alors une méthode simple : figer le moment exact où le ballon retombe sur le sol. « Vitaletti et moi nous nous sommes rendus compte que quand la balle était retombée sur le terrain, elle avait soulevé la craie de traçage », expliquait Carlo Sassi à Storiedicalcio. « Ça ne pouvait signifier qu’une seule chose : qu’elle avait touché la ligne. Nous avons réfléchi à la manière dont on aurait pu le montrer aux téléspectateurs. Parmi les images, on est allés trouver exactement celle sur laquelle on voyait bien la balle toucher le sol. On comprenait bien que le but n’était pas valide. On a diffusé l’image à la télé, et ça a été le commencement. »
La moviola entre en scène
Cette idée toute simple permet alors de clore le débat. De toute façon, le résultat final du derby n’aura pas trop d’importance, puisque le Milan AC va facilement remporter le scudetto, alors que l’Inter terminera à la cinquième place. Le plus important, c’est que cette initiative de Sassi et Vitaletti permet d’amorcer la modernisation des débats télévisuels autour du football, et plus largement au sport tout entier. Il faut attendre mai 1969, soit presque deux ans, pour que Sassi utilise cette fameuse technique cinématographique permettant de jouer avec la vitesse de défilement des images et même de repasser des séquences. En gros, il s’agit d’une vidéo/ralenti. En Italie, on l’appelle la moviola. Mais la télévision n’est pas aussi équipée que le 7e art. La Rai investit alors dans du matériel et des professionnels capables d’effectuer ces bidouillages techniques. Le travail de Sassi et de ses collègues change. Il faut s’activer, être à l’affût de la moindre décision arbitrale à vérifier. Les journalistes ont les oreilles collées aux postes de radio, afin de ne rien rater pour le débat sur le plateau. « On était continuellement en course contre le temps », se souvenait Sassi. « Souvent, Vitaletti et moi étions encore en salle de montage quand on entendait le début de Domenica Sportiva. » Heureusement, l’avancée technologique a allégé, d’année en année, le boulot de ces « décortiqueurs » des décisions arbitrales. Finalement, quoi de plus logique pour un pays où le débat semble parfois plus important que le foot en lui-même. Et dire qu’aujourd’hui ces méthodes servent à créer des classements « sans erreur arbitrale »…
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