DOSSIER : La diaspora italienne, Igor Netto
Notre série sur les enfants d’immigrés italiens ayant réussi dans le football nous emmène en Europe de l’Est, en Union Soviétique plus précisément. Si, de coutume, la diaspora porte majoritairement des joueurs évoluant en France, en Belgique, en Amérique du Sud, voire en Allemagne ou en Angleterre, rares sont les fois où elle porte sur des joueurs de l’est de l’Europe, moins concernée, il est vrai, par l’immigration italienne. C’est pourtant le cas d’Igor Netto, véritable idole du Spartak Moscou et capitaine de l’équipe d’URSS auréolée des titres de Champion Olympique en 1956 et de Champion d’Europe des Nations en 1960. Igor Aleksandrovic Netto (1930-1999) est descendant d’une famille originaire de Vénétie (certains prétendent des Marches) ayant émigré en Estonie à la fin du 18e siècle.
Un enfant de Moscou devenu enfant du Spartak
Jeune homme, Igor Netto hésite entre deux passions pour lesquelles il est particulièrement doué : le hockey sur glace et le football. Il doit pourtant choisir : abandonner les patins au profit des crampons. Les chocs subis au hockey, en effet, le handicapent pour pouvoir être opérationnel sur les pelouses.
Igor Netto, c’est l’homme d’un seul club, populaire : le Spartak Moscou avec qui il remporte cinq titres de champion et 3 coupes nationales au poste de milieu de terrain. Il porte ainsi le maillot rouge et blanc de 1949 à 1966, collectionnant près de 400 matchs en club. Ses performances en club lui ouvrent naturellement les portes de l’équipe nationale et du maillot rouge flanqué du CCCP. Netto, surnommé « L’Oie » pour son allure, gagne rapidement ses galons et devient capitaine de la plus belle génération de footballeurs soviétiques au côté d’un autre mythe, le gardien de but Lev Yachine. Avec l’URSS (54 sélections), il remporte la médaille d’Or aux JO de Melbourne en 1956 et le premier championnat d’Europe des Nations en 1960. A chaque fois, le Grand frère soviétique triomphe de l’impertinente camarade yougoslave. Les relations entre Moscou et Belgrade, n’ayant jamais été au beau fixe depuis 1945. Igor Netto dispute également deux Coupes du Monde (1958, 1962).
Parmi les meilleurs joueurs soviétiques de l’histoire
Star dans son pays, Netto n’a pourtant pas été épargné par la vie. Son frère aîné Lev, combattant pourtant sous l’uniforme de l’Armée rouge contre les nazis, a subi après-guerre les foudres du stalinisme qui l’ont conduit plus de 10 ans au goulag. Un drame peu avouable pour un Igor qui est, de son côté, un symbole du peuple d’URSS. Le footballeur sombre dans la dépression une fois les crampons raccrochés au milieu des années 1960. Une nouvelle fois, c’est son club de cœur qui le sauve en lui permettant d’entraîner les jeunes pousses spartakistes, jusqu’à l’équipe première. Il s’assoit également sur les bancs de Nicosie, du Panionios, de Bakou et de l’équipe nationale d’Iran. Il devient alors le premier soviétique à entraîner une équipe étrangère. Il rentrera dans les années 1980 pour retrouver ses jeunes du Spartak.
Le contexte géopolitique ainsi que les murs (réels ou virtuels) ont parfois empêché de grands joueurs d’Europe de l’Est d’être connus en Occident. Si quelques rares exceptions sont parvenues à franchir les obstacles (Yachine, Blokhine, Belanov, Dassaev, etc.), Netto, pour sa part, n’est que très rarement cité dans les livres d’histoire du ballon rond. En ex-URSS, pourtant, les connaisseurs ne s’y trompent pas et le placent régulièrement parmi les joueurs les plus doués de l’histoire. En mars 2020, les ultras du Spartak lui ont dédié un magnifique tifo à l’occasion du 90e anniversaire de sa naissance.
Menant une vie humble, Igor Netto s’en est allé un jour de mars 1999, emportant avec lui tous ses souvenirs que la maladie d’Alzheimer l’empêchait d’exprimer. Mais en Russie, personne en revanche ne l’a oublié. En témoigne l’inscription déposée sur sa tombe, tout près de celle de Yachine : « Des millions de personnes t’ont aimé ».
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