DOSSIER : Les britanniques de Serie A. 5ème partie : avec Baker et Law, le Torino parle anglais
L’Italie est, historiquement, terre hostile pour le football britannique. Peu de britanniques (ou d’irlandais) ont en effet réussi à s’imposer dans ce championnat tactique et défensif, si différent des leurs. De John Charles à Jimmy Greaves, de Denis Law à Joe Hart – et l’été prochain Aaron Ramsey – c’est peu dire que les fortunes furent diverses pour les sujets de sa Majesté, venus goûter à la dolce vita. Nouvel épisode avec Joe Baker et Denis Law, deux jeunes britanniques, qui ont fait renaître les rêves de grandeur du Torino au début des années soixante.
Deux stars qui font rêver
En 1961, Denis Law n’est pas encore ballon d’or et n’a pas encore brillé chez les Reds avec Charlton et Best ni celui que l’on nomme The King. 100 000 livres c’est ce que verse le club italien aux citizens de Manchester pour ce joueur amateur de grandes chevauchées de sa moitié terrain à la surface adverse : record de l’époque. Joe Baker, né à Liverpool de parents écossais est international anglais. Il arrive auréolé de ses 42 buts avec Hibernian la saison précédente. Ce renard des surfaces s’envole pour l’Italie après que son club lui ait refusé une hausse de salaire. Il en coûtera 75 000 livres au Torino. En les recrutant, Gigi Peronace, dirigeant granata, veut recruter plus que deux stars internationales. Il souhaite en faire les symboles de la renaissance sportive du club depuis la tragédie de la Superga douze ans auparavant. Les tifosi s’enflamment. Les disparus du Grande Torino n’ont pas été remplacés.
Des frasques et des paparazzi
9 janvier 1962. Veille de Venezia-Torino. Joe Baker et Denis Law se promènent dans la cité des doges au moment où ils se trouvent assaillis par les flashs. Parmi les gêneurs, Celio Scapin, un paparazzo local qui ne cesse de mitrailler malgré la colère de Baker qui lui demande de cesser. Hors de lui, Baker frappe Scapin et tente de le jeter dans le canal… Heureusement Law s’interpose. Baker se trouve donc suspendu lors du match le lendemain et écope d’une grosse amende. Une embrouille parmi d’autres et les sanctions financières n’y font rien… Les deux britanniques aimeront aussi jouir de la vie nocturne de la via Veneto à Roma – lieu emblématique de la dolce vita… Ces coups d’éclats s’ajoutent aux retards récurrents des deux amis aux entraînements.
Des étoiles qui essaient de briller sur le terrain
En début de saison, Baker et Law rayonnent. Le 3 septembre 1961, dès la deuxième journée, les deux compères marquent les trois buts de leur équipe contre Vicenza (3-3). Baker marque dans le derby della Mole contre la Juve le 1er octobre 1961. Le Toro l’emporte 1-0 au stadio Comunale. Mais rapidement Law et Baker se heurtent à la rigueur du football professionnel italien. La ponctualité n’est pas dans leurs veines et la dimension tactique des entraînements les désarçonne. De plus, ils saisissent vite combien leur arrivée doit rimer avec victoire. Malgré cela, ils ne veulent pas délaisser leurs distractions. Les mois passant, les observateurs – tant à l’intérieur du club que les supporters – se rendent compte qu’ils ne sont pas en mesure de porter cet espoir du retour du Grande Torino. Trop de pression. Baker marque finalement 7 buts en 19 rencontres. Quant à Law, il marque 10 buts en 28 matchs.
Le tournant du 7 février 1962
Ce 7 février 1962, Baker et Law ont failli perdre la vie qu’ils brûlaient par les deux bouts… Après une soirée noyée dans le whisky et le Barolo, les deux comparses heurtent l’Alfa Romeo Giulietta blanche flambant neuve de Joe contre le monument Garibaldi du cours Cairoli. Il est 4h10. Alors que Denis sort indemne, Joe aura besoin de cinq opérations réparatrices du visage. Le scandale est immédiat et la Stampa se fait apôtre de la morale : « Il est d’une extrême gravité que deux professionnels se soient trouvés en balade à une heure si tardive ». Si Baker ne porta plus le maillot granata en match officiel, Law , lui, joua le dernier match du championnat après une période de suspension.
Achetés à prix d’or pour incarner la renaissance du Grande Torino, Baker et Law n’avaient que leur talent brut à offrir. Ils ne pouvaient être, à ce moment de leur carrière, que des symboles d’un Torino assoiffé de retour au premier plan ; sûrement pas les socles sur lesquels s’appuyer.
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