DOSSIER : Les britanniques en Serie A. 4ème partie : Paul Ince, le Gouverneur

Par Frédéric Marjary publié le 20 Avr 2019
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L’Italie est historiquement une terre hostile pour le football britannique. Peu de joueurs de Grande Bretagne et d’Irlande ont en effet réussi à s’imposer dans ce championnat tactique et défensif, si différent de leur culture. De John Charles à Jimmy Greaves, de Dennis Law à Joe Hart et l’été prochain Aaron Ramsey, c’est peu dire que les fortunes furent diverses pour les sujets de sa majesté venus goûter à la dolce vita. 4ème partie aujourd’hui avec Paul Ince, l’anglais dont personne n’avait prévu le transfert.

Élément essentiel de Manchester United durant le début des années 90, le transfert de Paul Ince vers l’Inter fut un véritable choc. Du côté des fans, qui ne réalisaient pas qu’Alex Ferguson ait accepté les 7 millions de livres en provenance du club milanais, et du côté du joueur, qui était en train de négocier une prolongation de contrat avant d’être vendu sans son accord. Retour sur son bref mais marquant passage en Serie A.

Le patron du milieu

Dévasté de quitter l’Angleterre, Paul Ince ne tarde pourtant pas à se mettre en évidence avec le club lombard. Il fait ses débuts contre Vicenza (1-0) à San Siro et montre qu’il est venu pour être un titulaire indiscutable de cette équipe. Avec Nicola Berti, il forme une paire solide au milieu de terrain et s’adapte rapidement au calcio, réputé comme tactiquement très complexe à cette époque. Athlétique et énergique, cette paire était rarement fatiguée au bout des 90 minutes tant les deux joueurs étaient généreux et compensaient les efforts de l’autre. Ince, en particulier, avait une sorte de finesse et de classe dans le dernier geste, mais il inquiétait également les défenses adverses grâce à ses percées dans le camp opposé et ses dernières passes souvent décisives. Buteur à 3 reprises lors de la première saison et à 7 reprises lors de la deuxième saison, le Britannique permit à l’Inter de redresser la barre après une saison 1993-1994 où le club finit à seulement un petit point de la relégation. D’un point de vue personnel, c’est surtout lors de la fin de la première saison que l’Anglais montre des signes de grandes sérénité et d’assurance. Ses trois buts furent marqués lors des deux derniers mois de la saison, et ses efforts furent récompensés par la Curva Nord qui scanda son nom à plusieurs reprises dans les travées de Giuseppe Meazza.

Le racisme, son pire adversaire

La rapide intégration de Paul Ince à l’Inter fut assez remarquable vu le contexte social en Italie à ce moment là. Ince est un homme noir, et le club l’avait admis lui-même, il serait difficile de trouver l’affection des ultras de l’Inter. Avant l’officialisation du transfert, des tags racistes sur les murs du stade avaient été inscrits. Ce n’était pas inhabituel de retrouver des bananes gonflables dans les stades italiens lorsqu’un joueur noir prenait part à la rencontre. Ince avait déjà dû surmonter les critiques en devenant le premier homme noir à devenir capitaine de la sélection nationale d’Angleterre, il savait qu’au moindre faux pas en Italie, les gens ne lui feraient aucun cadeau. La pire injustice qu’il subit durant son passage à l’Inter fut sans le moindre doute lors du match à Cremonese pendant la saison 1995-1996. Après une altercation avec le gardien Luigi Turci, les tifosi Biancorossi commencèrent à l’insulter en rapport à sa couleur de peau. Il répondit de manière sarcastique en applaudissant le public à domicile, ce qui lui coûta un carton jaune de l’arbitre. Encore aujourd’hui, lorsqu’il s’exprime à propos de cet incident, il ressent un sentiment profond de dégoût. Cette scène fut si douloureuse pour lui qu’il hésita à retourner directement en Angleterre. Si Roy Hodgson n’était pas arrivé en tant qu’entraîneur, il serait probablement parti de lui-même. Ince invita Moratti ainsi que d’autres personnes influentes dans le monde du football à se mobiliser pour combattre le racisme, en prenant pour exemple la fédération anglaise qui avait réalisé un travail incroyable sur ce fléau.

Une histoire courte mais passionnelle

Ince réalisa une deuxième saison aboutie du début à la fin, avec à la clef une 3ème place en Serie A mais surtout une finale de Coupe UEFA, malheureusement perdue aux tirs aux buts face à Schalke 04. Il était considéré comme l’un des meilleurs milieux d’Europe, et la presse italienne décrivait l’Inter sans Ince comme une équipe sans âme. Le président nerazzurro voulait prolonger son escale en Italie, en lui vendant une association avec le brésilien Ronaldo qui enverrait l’Inter au sommet de l’Europe. Cependant il rejeta les offres du club et privilégia un retour au pays, pour que son fils Thomas ait une scolarité en Angleterre. La période bleue et noire de Paul Ince ne fut pas couronnée par un titre, mais sa répercussion fut une énorme avancée dans le monde du football. Face à la haine raciale, il trouva un moyen de casser ces barrières en trouvant une place dans le coeur des tifosi, qu’il occupe encore aujourd’hui. Dans un championnat ultra dominé par la Juventus et le Milan AC, le transfert de Paul Ince marqua un véritable coup pour l’Inter. En effet, son transfert fut le premier d’une longue série côté nerrazurri, puisque Djorkaeff, Winter, Zamorano rejoignirent la Beneamata l’été suivant.

Lorsqu’il repartit pour l’Angleterre, Moratti s’exprima à son sujet : « Ince nous manque. C’était un top player, mais aussi un immense personnage. Il n’a jamais simulé, au contraire je me rappelle qu’il sermonnait ses propres coéquipiers s’ils faisaient une scène. » Son séjour ne dura que deux ans, mais les tifosi de l’Inter garderont un souvenir éternel du Gouverneur.




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Frédéric Marjary



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