DOSSIER : Mino Raiola, l’enfer ?
« On aurait dit un mafieux tout droit sorti des Sopranos : un jean, un t-shirt et un ventre énorme ». Voilà comment Zlatan Ibrahimovic se souvient de sa première rencontre avec Mino Raiola. Un style devenu une marque de fabrique pour celui qui, dit-on, « aime plus ses joueurs que sa propre femme« . Dernier épisode de notre saga sur le meilleur ennemi des tifosi.
L’ennemi public numéro 1
Figure dantesque du football, Raiola plane sur les sessions de mercato depuis maintenant plusieurs années. Souvent perçu comme un oiseau de mauvaise augure par bon nombre de tifosi, l’Italo-néerlandais mène une communication brouillonne voire bâclée. Il n’accorde que très rarement des entretiens et préfère s’afficher, occasionnellement, en zone mixte avec ses joueurs comme ce mercredi, à San Siro, au terme du match opposant le Milan et la Juventus. Ses réseaux sociaux quant à eux ne lui servent qu’à démentir, à coup de » #fakenews » les rumeurs concernant ses joueurs. Brutes de décoffrage, pour ne pas dire vulgaires, ses interventions sont pourtant loin d’être incontrôlées et il se délecte du chaos que peuvent créer les petites phrases lâchées à la volée aux micros des journalistes. Un jeu dans lequel il excelle. Pourtant, Raiola est loin d’être le seul responsable de l’affolement généré, à n’importe quel moment de la saison, par la moindre rumeur de transfert. Nombre de journaux sportifs ont, depuis longtemps, misé sur le mercato et tous ses fantasmes pour vendre du papier ou faire du clic. L’ombre portée par l’imposante silhouette de Mino est donc aussi le reflet d’un traitement médiatique assumé aux quatre coins de l’Europe.
Une stratégie qui fait le sel de son business et qui lui permet d’être une figure à part entière du paysage foot dans le monde. Bien loin des multinationales de Jonathan Barnett, Jorge Mendes ou Volker Struth, l’empire Raiola ressemblerait presque à une petite boîte familiale. Un véritable ovni quand on déroule le dernier classement Forbes des agents sportifs les plus puissants du monde, dans lequel il occupe la 5e place tous sports confondus (3e si l’on ne considère que le foot). Pourtant, la success story est loin d’être si belle. Derrière son nom se cachent de nombreuses sociétés, dispersées du Brésil aux Pays-Bas en passant par Malte où par exemple la Three Sports Business Ltd. (dont il est le représentant légal) s’est établie. Une structure dont l’action est difficile à cerner et présentée comme l’une des raisons de la suspension (levée en appel) de l’agent par la Fédération italienne de Football en avril 2019. La Fédération anglaise, elle, comptabilise aujourd’hui six sociétés à son nom basées, pour la plupart, dans des paradis fiscaux. Un réseau tentaculaire et insaisissable.
L’enfer Raiola ?
Spectatrice elle aussi, la FIFA assistait impuissante à une cavalcade infernale dont le moment de bascule est sans aucun doute le transfert de Pogba de la Juventus à Manchester United. Mino Raiola avait dégagé plus de 27% de commissions, soit près de 49 millions d’euros, alors que la réglementation en vigueur était plafonnée par la FIFA à 3%. De ce transfert naissent de nombreuses enquêtes (FIFA, Mediapart) et les Football Leaks qui révèlent les tours de passe-passe des plus gros agents de joueurs au monde. Depuis les réglementations ont changé. Plusieurs fois. D’abord en laissant chaque fédération nationale libre de d’établir ses propres règles. Une proposition insensée étant donnée la multiplication des transferts internationaux et qui voyait les plafonds de rémunération varier selon les pays. Le Code du Sport français prévoyait par exemple que le » montant de la rémunération de l’agent sportif ne peut excéder 10% du montant du contrat conclu par les parties qu’il a mises en rapport « . Un chiffre sur lequel s’est alignée la FIFA, en septembre 2019, qui revoie également le cadre réglementaire des transferts : pour mieux les encadrer et » protéger les joueurs « , les commissions devront être versées à une chambre de compensation avant d’être reversées aux agents.
La réaction du Forum des agents de football, fondé et présidé par Raiola, ne s’est pas faite attendre. Ils menacent la FIFA de saisir la justice au nom de la libre justice voire même de se passer d’elle à l’avenir : » Nous ne voulons plus rien avoir à faire avec elle. Nous allons nous débrouiller nous-même. La FIFA, c’est terminé. Une nouvelle ère s’ouvre, et nous en sommes à la base. L’heure de la révolution a sonné « . Celui qui disait, en 2015 aux micros de Téléfoot, vouloir » refaire une FIFA sociale et la rendre au monde » se transforme peu à peu en caricature. Le pur produit d’un système qui le fustige dès qu’il n’en tire plus aucun bénéfice. On a connu mieux comme révolutionnaire.
A lire aussi :
1. L’ascension
2. L’empire
3. L’enfer ?
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