DOSSIER : Vittorio Pozzo, le héros oublié, les premiers pas du plus grand entraineur italien de l’histoire (1/3)
Parce que Roberto Mancini vient tout juste d’égaler son vieux record de victoires consécutives à la tête de la Nazionale, Vittorio Pozzo est récemment revenu sur les devants de la scène en Italie. Pourtant, même après sa mort à la fin des années 1960, Pozzo n’a jamais vraiment pris une place importante dans la mémoire et la culture sportive italienne. Un fait d’autant plus étonnant quand on sait que l’ancien maitre de la Nazionale est toujours le sélectionneur italien le plus victorieux de l’histoire, et qu’il est encore à ce jour le seul entraineur sur cette planète à avoir remporté deux Coupe du Monde ! Calciomio brise donc ce vieux tabou et revient sur la carrière et le parcours de l’illustre entraineur de la Squadra Azzurra, qui aura grandement façonné le mythe et la réputation de l’Italie dans l’histoire du football.
Vittorio Pozzo : des débuts compliqués à la tête de la Nazionale
Avant d’emmener son équipe vers le toit du monde, Pozzo a néanmoins pas mal cravaché pour réaliser son oeuvre, et ses faits d’armes sont surtout le fruit d’un vrai labeur plutôt que d’une insolente réussite. Né dans les années 1880, Vittorio Pozzo va dès son plus jeune âge être exposé à la mode naissante d’un nouveau sport qui sera amené à dominer les esprits dans les années qui suivent. Le début du XXème siècle approche, et le football explose littéralement en Italie, avec la création notamment de plusieurs clubs qui deviendront mythiques par la suite, comme le Genoa (1893), le Milan AC (1899) ou la Juventus (1897). C’est donc dans ce contexte que le jeune turinois poursuit son adolescence, bercé par l’arrivée d’un sport qui changera définitivement son destin. Issu d’une famille bourgeoise et passionnée de voyages et de langues, Vittorio Pozzo profite aussi de ses études pour sillonner l’Europe et des pays comme la France, la Suisse à l’Angleterre, et il en profite également pour étudier de plus près le ballon rond. Si bien qu’à son retour en Italie, le jeune italien a développé une profonde culture tactique, notamment après une année passée en tant que joueur chez les Grasshoppers de Zurich.
Dans les années qui suivent, Pozzo est donc tout naturellement à la tête du Torino Football Club, tout en enchainant un travail prenant à la Pirelli. Le tout débutant tacticien ne fait alors pas de miracles avec son équipe, mais il attire tout de même les sirènes de l’équipe nationale en 1912 à l’occasion des JO de Stockholm. Pozzo accepte directement le poste et refuse même d’être payé, trop fier de représenter son pays. Pourtant, l’aventure va très mal se passer, et l’Italie va être éliminée dès son premier match contre la Finlande. C’est un premier couac pour le Turinois, et il retourne donc entrainer dans le club de sa ville. Les années passent ainsi et ainsi, Pozzo continue son petit bonhomme de chemin et passe même par Milan, et la Nazionale re-croise sa route dix années plus tard. A la tête de la sélection pour les JO de Paris cette fois-ci, Pozzo fait mieux que la dernière fois. Mais il sort tout de même en quart de finale contre la Suisse. C’est une deuxième déception, et il jette encore une fois sa démission. Des échecs répétés, qui vont en réalité forger la carrière de l’entraineur italien.
De la boue et des soldats
Dans son parcours tumultueux et semé d’embuches, Vittorio Pozzo fait aussi face à la première guerre mondiale en tant que protagoniste absolu. Engagé aux cotés des forces alpines, l’Italien va quitter son poste à la Pirelli et au Toro pour défendre vaillamment les couleurs de son pays dès 1914. La bataille de Caporetto et de Vittorio Veneto, la défense de la ligne de Piave, Pozzo va même jusqu’à participer aux plus grandes et historiques batailles italiennes de la grande guerre ! Habile soldat et homme reconnu dans le domaine, Vittorio Pozzo va alors se servir de ces quelques années passées dans la boue et dans les tranchées pour développer sa façon d’entrainer dans le football. Pour lui, chaque joueur est exactement comme tous ses soldats qui l’accompagnent sur le front, et les codes et les valeurs de la vie militaire sont des éléments à inculquer dans le football de l’époque. Ainsi, dans son autobiographie, il détaillera avec précision ses méthodes inspirées des préceptes militaires : « il faut partager, avec le joueur, le travail et le sacrifice. Il faut toujours être exemplaire et ne jamais abandonner. La hiérarchie entre un joueur et un entraineur doit toujours être respectée ». Une vision du football qui mêle donc sportif et militaire, et qu’il va appliquer tout au long de sa carrière, notamment avec certaines méthodes qui vont révolutionner son monde.
La naissance d’un maitre
En 1928, sans Pozzo, la Nazionale reprend tout doucement du poil de la bête et attrape une médaille de bronze aux JO d’Amsterdam. Nous sommes alors en pleine montée du régime fasciste italien, et la bande à Mussolini va bien entendu surfer sur l’évènement pour étoffer un peu plus sa propagande… On s’aperçoit en effet que les grandes compétitions internationales ont un potentiel énorme pour véhiculer le prestige de telle ou telle nation, et l’Italie va alors développer de bout en bout son football. Un an plus tard, en 1929, Leadro Arpinati, vice président du parti fasciste italien, vole alors en personne vers Vittorio Pozzo pour le poste d’entraineur de la Nazionale. Ce dernier, bien envieux de faire oublier ses précédents échecs, accepte le poste. Il applique alors à la lettre ses méthodes militaires et ses valeurs apprises au front, et il est d’ailleurs le premier entraineur de l’histoire à partir en ritiro (mise au vert) avant les matchs.
En 1930, après un an de méthode Pozzo, l’Italie ne prend pas part au Mondial en Uruguay, mais arrive jusqu’en finale de la prestigieuse Coupe Internationale (un tournoi avec les meilleures équipes d’Europe). Juste avant la grande finale à Budapest face à la Hongrie, Vittorio Pozzo porte alors ses hommes jusqu’à l’immense cimetière militaire de Redipuglia dans le Frioul. « Ce qu’ont fait les soldats qui se trouvent ici est bien autre chose par rapport à ce que nous devrons faire demain à Budapest. Mais notre amour commun pour l’Italie doit être une source d’inspiration pour nous tous » déclara alors le sélectionneur. Le score du match le lendemain ? 5-0. Triplé de Meazza, et une Italie qui enchante déjà. Ça y est. La légende Pozzo est en marche…
A lire aussi :
1- 1ère partie : les premiers pas du plus grand entraineur italien de l’histoire
2- 2ème partie : une décennie de domination italienne sur le monde (à suivre)
3- 3ème partie : les raisons de l’ostracisme du football italien (à suivre)
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