Les racines dans le foot italien ? C’est la base !

Par Romain Simmarano publié le 18 Jan 2017
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Juventus

L’invasion a commencé. Sans prévenir, la voilà surgie du monde obscur des « communicants » et des « créatifs », incontestablement fiers de la réussite d’un plan infaillible que personne n’avait vu venir. La Juventus a changé de blason. Elle ne portera vraisemblablement plus jamais les armes qui ont vu des générations entières de supporters la soutenir, l’aimer, l’adorer. Si le monde change, il n’en reste pas moins que les agressions les plus violentes sont souvent les plus inattendues. Le résultat final de ce choix de communication par les dirigeants turinois, est accablant. Et pas pour les raisons qui pourraient sembler les plus évidentes.

La modernité, meilleure raison du monde ?

Dans ce débat qui s’ouvre depuis la publication du nouveau logo, les plus obtus souhaiteront opposer les partisans de la Sainte Tradition aux modernistes extrêmistes. La réalité, c’est que le débat est loin d’être aussi simple. Chaque tifoso turinois aura beau jeu de se convaincre de la pertinence du changement. Et il aura raison ! Car la Juventus demeure probablement, sur le long terme, l’institution la mieux protégée désormais. Ce qui est à craindre relève plus de la déflagration, de la réaction en chaîne, que de cette seule transformation. En effet, toutes les bonnes raisons de défendre le club existent. D’abord, le renversement des valeurs : la Juventus, chef de file des équipes italiennes depuis de longues années, est en droit d’inspirer elle-même les changements qui doivent conduire l’Italie du football dans son propre futur. Assurée par ses résultats de son leadership, qui pourrait décemment lui reprocher d’être la première à s’engager dans la voix résolue de l’adoration du monde contemporain et de ses avatars ? Strictement personne. A plus forte raison que se joue une autre bataille, celle de l’intérieur de l’institution, dans laquelle Andrea Agnelli, doit marquer son règne par des signes forts. Le blason, les armes et les insignes, surtout en Italie, gardent une puissance symbolique à nulle autre pareille. Ainsi, de Turin viendrait la lumière supposée illuminer le reste de la péninsule, faire taire les grincheux, les malveillants de tout bord qui s’y opposeraient ? Problème : la réalité est autrement plus complexe.

Le début de la fin pour l’identité des clubs ?

Parce qu’il faut se le dire, ce logo crée une onde de choc. Avant tout parce que ce résultat est celui de l’abandon. Non pas l’abandon d’une âme ou d’un esprit, mais l’abandon de données bien concrètes, tangibles et identifiables. L’abandon d’un taureau présent sur le blason de la Juventus depuis toujours. En héraldique, la présence d’un animal est une donnée essentielle. 120 années de passage de témoin écrasées en un instant, sur la seule volonté d’un board manipulé par quelque communicant new age persuadé de détenir le sens du Vrai, du Beau, du Moderne. « Ce n’est pas un nouveau logo, c’est la nouvelle Juventus« . Est-ce à dire que cette nouvelle Juventus, si imbue d’elle-même, ne saurait s’embarrasser de la chaleur des gloires passées ? Cette Juve, se crée-t-elle d’elle-même, sort-elle de nulle part dans la nuit du football contemporain ? Juventino, prends garde, mais ne prends pas garde seul: toute l’Italie du football peut être minée par cet orgueil de l’homme contemporain, qui n’envisage rien d’autre que son propre présent et sa propre réalité.

Les anciens appelaient cela l’hybris. Qu’on y pense une bonne fois pour toutes : qu’est-ce qui, dans les inévitables années de vaches maigres connues par le football italien, sauve les meubles et rend toute reconstruction possible ? Les fondations. Les souvenirs. Les éléments qui permettent, dans la plus grande discrétion des âges, de rattacher visuellement Scirea à Cannavaro, Nordhal à Shevchenko, Meazza à Icardi, Massaro à Batistuta. Ces fondations disparues, qui défendra encore une Italie rendue conformisée à l’extrême par les boîtes de communication, les droits TV, les investissements raisonnés, les logos insipides, lorsque les choses iront mal ? La sagesse voudrait que l’on envisage toujours le pire pour aménager le meilleur. Malheureusement, et au risque de laisser ce vice mortel se propager, la grande Juventus qu’on aime même si on la combat, prend le risque de disparaître dans son identité. Et après elle, les suiveurs qui ne manqueront pas de s’illustrer. C’est la modernité. Alors on grogne, oui ! Mais au fond on s’y fera.




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Romain Simmarano

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