Eté 67 : Quand Cagliari joua le championnat… américain

Par Sébastien Madau publié le 19 Nov 2018
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Oui ce sont bien eux, les principaux joueurs de Cagliari, équipe en vogue en cette fin des années 1960 en Italie, en train d’arborer le maillot bleu d’une équipe pittoresquement baptisée les Chicago Mustangs ! Mais qu’est-ce que les Sardes sont allés faire chez l’Oncle Sam en cet été 1967 ? Entre deux saisons du calcio? Retour sur un épisode de l’histoire de Cagliari… et du soccer aux Etats-Unis.

Le soccer n’est pas un sport aussi populaire que peuvent l’être le baseball, le basket ou le football américain. Pour autant, depuis le début du 20e siècle on y joue aux USA. C’est certainement dans le but de le développer -et d’en faire une source de revenus financiers- que se crée la United Soccer Association (USA) qui a l’intention de monter un championnat dans tout le pays et veut rivaliser avec la National Professional Soccer League (NPSL). Seulement, si les clubs (franchises) de la USA sont bel et bien inscrits, beaucoup ont été lâchés par les joueurs américains ayant émigré en masse vers la NPSL. Cette dernière avait en effet un contrat télé avec CBS, ce qui devint un argument imparable pour des footballeurs en quête de reconnaissance et de médiatisation.
Avec des clubs mais sans joueurs, une idée surgit alors à la USA : faire endosser les maillots des clubs américains à des joueurs de clubs européens et latino-américains. L’objectif est double: obtenir des équipes rapidement et proposer au public un niveau de jeu de qualité avec des joueurs habitués à jouer ensemble dans leurs pays respectifs.
Douze équipes débutent donc ce championnat le 28 mai 1967, divisées en deux poules de six: Washington Whips (Aberdeen, Ecosse); Houston Stars (Bangu, Brésil); Chicago Mustangs (Cagliari, Italie); New York Skyliners (Cerro, Uruguay); San Francisco Gales (ADO Den Haag; Pays-Bas); Dallas Tornado (Dundee United, Ecosse); Detroit Cougars (Glentoran, Irlande du Nord); Toronto City (Hibernian, Ecosse); Boston Rovers (Shamrock Rovers, Irlande du Nord); Cleveland Stokers, (Stoke City, Angleterre); Vancouver Royals (Sunderland, Angleterre); Los Angeles Wolves (Wolverhampton, Angleterre).

En difficultés financières, Cagliari souhaite remplir ses caisses

Cagliari, alors en grande difficulté financière malgré de bon résultats sportifs (6e en 1966-1967), accepte le défi. Espérant en retour de cette tournée un bon pécule de la part des organisateurs américains. Le but du club est du président Enrico Rocca est alors de faire rentrer le plus d’argent possible dans les caisses afin d’éviter d’être obligé de vendre son buteur Gigi Riva, convoité alors par Naples. L’argent « américain » tarde à venir, pour le club et les joueurs. Ces derniers commencent sérieusement à s’agacer et menacent de ne pas jouer. Les cadres de l’effectif entourent quelques jeunes pousses du club. Gigi Riva, meilleur buteur du championnat, n’est pas du voyage, gravement blessé au péroné en avril avec la Squadra Azzurra contre le Portugal. Mais les Pianta, Reginato, Niccolai, Tiddia, Nené, Cera, Boninsegna ou Martiradonna sont du déplacement.
Le choix de confier le sort des Mustangs de Chicago aux Italiens n »est pas le fruit du hasard. Les organisateurs entendent profiter de la forte communauté italo-américaine présente dans la ville et plus généralement dans l’Etat de l’Illinois pour remplir le Comiskey Park, le stade de l’équipe mythique de baseball des White Sox de Chicago. L’affluence tournera finalement à moins de 4000 spectateurs de moyenne. Les matchs sont tantôt joués dans des stades pleins, tantôt dans des enceintes qui sonnent creux. Sur le terrain, la tension règne et particulièrement lors de la confrontations entre les Mustangs sardes et les Uruguyens de New York: bagarre, arbitre de touche pris à coup de pied par un spectateur et intervention de la police.

Sportivement, cette parenthèse américaine ne laissera pas de grands souvenirs. On dit que devant le peu d’intérêt et de qualité, les équipes européennes auraient laissé filer les matchs pour rentrer plus tôt et pouvoir préparer la reprise de leur propre championnat. Finissant 3e groupe de leur poule avec 3 victoires, 7 matchs nuls et 2 défaites, Cagliari n’arrive pas à se qualifier pour les play-off. Et ce bien que, sur le papier, il présentait à coup sûr l’un des effectifs les plus talentueux de la compétition qui sera finalement remportée par les Los Angeles Wolves, représentés par les Britanniques des Wolverhampton Wanderers. Roberto Boninsegna, quant à lui, pourra toujours se satisfaire d’avoir terminé meilleur buteur outre-Atlantique (11 buts) dans une compétition organisée par une ligue quasi-mort née (USA) et qui confluera rapidement dans le giron de sa rivale de la NPSL dès fin 1967. Les deux entités fonderont ensuite la North American Soccer League, en 1968.
Quant aux Mustangs, la franchise disparaîtra en 1969. Laissant dans la tête des joueurs de Cagliari plus de souvenirs de divertissement (les virées dans les hôtels et casinos de Frank Sinatra à Las vegas) que de performances sportives.

L’entraîneur Scopigno limogé… à cause d’un besoin pressant

En revanche s’il y en a un pour qui le voyage en Amérique a laissé des traces c’est l’entraîneur Manlio Scopigno. En effet, dans le cadre de cette tournée, les joueurs et le staff de Cagliari avaient été invités à une soirée organisée par l’Ambassadeur d’Italie aux Etats-Unis. Il semblerait que -après avoir particulièrement apprécié le whisky de la maison- l’entraîneur que l’on surnommait en Italie « Il Filosofo » ait pris le jardin potager de l’épouse du diplomate pour des WC. Il sera surpris et, face au tollé suscité, sera dès son retour licencié par le président Rocca avec qui le feeling ne passait de toute façon plus et qui n’a donc pas laissé passer l’occasion. Sauf qu’après des résultats moyens lors de la saison 1968-1969, Scopigno sera rappelé. Il relancera la machine de guerre jusqu’à offrir à la Sardaigne son seul et unique Scudetto en 1970.




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Sébastien Madau



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