Nous sommes en 2011 après Jésus-Christ. Toute la péninsule italique est occupée par les Italiens… Toute ? Non ! Un pays peuplé d’irréductibles Saint-Marinais résiste encore et toujours. (Bon, d’accord, il y a aussi le Vatican.)

San Marino Calcio

La meilleure équipe saint-marinaise est probablement le San Marino Calcio – sa seule équipe inscrite en Italie – qui milite actuellement en Lega Pro Seconda Divisione (quatrième division italienne). L’effectif ne comprend presque que des joueurs italiens et les rares footballeurs saint-marinais qui y figurent sont jeunes. Le San Marino Calcio joue ses matchs à domicile au stade olympique de Serravalle qui offre tout de même 7 000 places dans sa capacité maximale, ce qui n’est pas rien pour un pays de 32 000 habitants.

La carte de Disneyland (un clic pour l’agrandir).

Championnat et coupe

Le championnat amateur saint-marinais est composé de 15 équipes, qui jouent dans deux groupes différents avant de s’affronter lors des playoffs. Plusieurs systèmes ont été utilisés dans l’histoire du foot à Saint-Marin avant d’arriver à cette formule tarabiscotée qui rappelle l’organisation de certaines divisions italiennes. Les équipes se partagent 6 stades, dont celui olympique qui accueille un match toutes les deux journées de championnat environ. La San Marino RTV diffuse des résumés des matchs et les met aussi en ligne. La chaîne suit aussi les résultats du San Marino Calcio.

Seules les 15 équipes qui jouent le championnat participent à la coupe nationale appelée Coppa Titano. Cette compétition tire son nom du mont Titan, le point culminant du pays et un de ses symboles, avec son Palazzo Pubblico. Saint-Marin a également sa supercoupe. Super.

Le club qui remporte le championnat joue le premier tour de qualification de la Champions League , tandis que le finaliste du championnat débarque au premier tour de qualification pour l’Europa League et le vainqueur de la coupe au deuxième. Toutes ces équipes se font généralement taper d’entrée, ce qui explique la cinquante-troisième et dernière position dans la liste de l’UEFA pour la Champions League et l’Europa League qu’occupe Saint-Marin.

L’équipe nationale

La sélection A et les sélections de jeunes jouent dans le même stade que le San Marino Calcio. Les sélectionnés proviennent soit du championnat de Saint-Marin soit des divisions inférieures italiennes. Il y a donc très peu de professionnels. La star de l’équipe se nomme Andy Selva, meilleur buteur de l’histoire de la sélection avec 8 réalisations (en 45, Totti en a bien mis 9 en 58 avec l’Italie) et qui écume les terrains de Serie B et Serie C1. Son portier titulaire est Aldo Simoncini, troisième gardien de Cesena l’an passé. Le sélectionneur Giampaolo Mazza est en poste…depuis 1998. Il succéda d’ailleurs à Massimo Bonnini, ex milieu de terrain de la Juventus dans les années 80 avec qui il joua plus de 200 matches, fier de sa nationalité, il refusa de jouer avec la Nazionale italienne alors que San Marin n’avait pas encore sa sélection !

Cette Nazionale perd l’immense majorité de ses matchs (elle a joué sa 100ème rencontre depuis sa création en juin dernier), souvent sur des scores fleuves. Avec 0 point, Saint-Marin occupe la dernière position du classement mondial FIFA/Coca-Cola. Ce statut de lanterne rouge est actuellement partagé avec Montserrat, Andorre et les Samoa américaines. Si le classement des équipes nationales de l’UEFA est mois impitoyable et ne fait pas l’addition « 0+0= la tête à Toto », Saint-Marin y occupe tout de même la dernière place, seul.

L’unique fait de gloire de cette sélection est un 0-0 à domicile contre la Turquie lors d’un éliminatoire pour la Coupe du monde, c’était en… 1993. Lors de ces même qualifications, Saint-Marin a perdu 1-0 en Pologne. Ce match est toujours qualifié de « vol » par le site internet de la fédération de Saint-Marin car le but de Jan Furtok a été marqué de la main. Toujours dans la même compétition, Saint-Marin a réussi à marquer contre l’Angleterre, le tout dès la neuvième seconde de la rencontre ! Le match s’est terminé sur un score de 7 buts à 1 en faveur des Anglais.
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Saint-Marin va d’ailleurs retrouver les sélections polonaise et anglaise dans le groupe H des matchs éliminatoires de la Coupe du monde de football 2014.

La seule victoire de l’histoire de Saint-Marin est épique. Il s’agit d’un match amical de 2004 remporté 1-0 à domicile contre le Liechtenstein. Michel Platini était présent dans les tribunes ce jour-là selon le site de la fédération saint-marinaise. Les deux autres matchs internationaux officiels qui n’ont pas été perdus par Saint-Marin depuis son affiliation définitive à la FIFA en 1988 sont un 1-1 contre la Lettonie à Riga en 2001 dans un match éliminatoire pour la Coupe du monde et un 2-2 de 2003 lors d’un match amical à Vaduz contre le Liechtenstein.

Ce qui se fait ailleurs

Le San Marino Calcio est loin d’être le seul club à jouer en dehors de son pays d’origine. Ainsi, certains clubs gallois jouent en Angleterre, l’Australie joue en Asie et les Néo-Zélandais des Wellington Phoenix jouent en Australie. Ces derniers ne peuvent pas se qualifier pour les coupes asiatiques.

Mais les cas les plus proches de Saint-Marin sont à rechercher du côté de deux autres paradis fiscaux européens : Monaco et le Liechtenstein (36 000 habitants chacun). Les 7 clubs du Liechtenstein jouent dans les championnats suisses, mais il existe une coupe nationale qui donne accès à une place pour le deuxième tour de qualification pour l‘Europa League. C’est l’unique ticket européen des club liechtensteinois. La FIFA reconnaît la sélection nationale du Liechtenstein.

La situation de Monaco est très différente, puisque la principauté a surtout misé sur l’AS Monaco qui a longtemps fait partie de l’élite du football français. À côté de ce fleuron du foot monégasque, il y existe un championnat amateur composé de 23 ou 24 équipes réparties en trois poules et qui se partagent deux terrains, sauf lors des finales qui se déroulent au Stade Louis II. L’Italien Marco Simone joue par ailleurs avec les champions du Sun Casino. La sélection monégasque n’est pas reconnue par la FIFA, mais elle est inscrite dans la Nouvelle Fédération-Board.

Histoires de transferts

Le Marco Simone du championnat saint-marinais, c’est le défenseur Aldair (né en 1965). La légende de l’AS Roma et de la Seleção a en effet joué quelques années pour la SS Murata à partir de 2007. Le Brésilien a ainsi pu étoffer son palmarès de titres de champion de Saint-Marin et il a aussi participé à des matchs qualificatifs pour la Ligue des Champions.

La « star » de ces deux dernières saisons était Sossio Aruta (né en 1970). Il est « connu » pour avoir participé à la seconde saison de l’émission de télé-réalité italienne Campioni, il sogno qui consistait à remplir une équipe de Serie D (cinquième division) avec des joueurs qui avaient envie de passer à la télévision. Après avoir marqué beaucoup de buts pour les Tre Fiori dans le championnat amateur de Saint-Marin, il a joué un match qualificatif pour la Ligue des Champions en 2010.

“Deep in the heart of Italy, lives a LEGEND…” ou pas. Beaucoup de transferts vers Saint-Marin n’ont pas eu lieu. En 2009, le San Marino Calcio a tenté de faire venir Christian Vieri (né en 1973) en Lega Pro Seconda Divisione.

Aldair a essayé de convaincre Romário (né en 1966) de venir jouer les matchs du tour préliminaire de la Champions League de l’été 2008 avec la SS Murata. Son compatriote globe-trotter a refusé, pour des motifs d’ordre personnel.

Toujours pour les matchs qualificatifs de 2008, la SS Murata a essayé de faire signer Michael Schumacher (né en 1969). Le pilote automobile serait paraît-il un bon joueur de football. De plus, Schumi est ambassadeur de Saint-Marin depuis 2003, mais il n’est pas venu à la Murata, peut-être pour en raison de problèmes physiques.

Le meilleur pour la fin avec Gene Gnocchi (né en 1955) – de son vrai nom Eugenio Ghiozzi. L’auteur des blagues du jour de la Gazzetta dello Sport et écrivain doté d’une petite renommée. En 2007, il a annoncé à la télévision vouloir intégrer une équipe de Serie A pour prouver qu’avec un peu d’entraînement, tout le monde peut avoir le niveau de certains joueurs de l’élite. Il a d’abord signé à Parma, puis au Genoa, mais il ne lui a pas été possible de jouer en match officiel à cause des objectifs de ces clubs. Les Tre Fiori lui ont proposé de jouer le tour préliminaire de la Champions League en 2009, mais le président de la fédération de Saint-Marin Giorgio Crescentini a tout fait pour empêcher ce transfert.

Crescentini a poussé la fédération à aller vers une reconaissance de la FIFA et de l’UEFA. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le personnage le plus important du football saint-marinais ne rigole pas. Voici ce qu’il déclarait dans une interview accordée à Leo Turrini du quotidien Il Resto del Carlino au moment où les Tre Fiori voulaient faire signer Gene Gnocchi :
« Bon, écoutez. Je n’autorise pas Gene Gnocchi à jouer. Nous avons beaucoup trimé pour obtenir notre affiliation à l’UEFA et à la FIFA et maintenant on veut nous faire passer pour des cons, passez moi l’expression, en envoyant un humoriste sur le terrain. Cela n’arrivera jamais. Vous me demandez comment je peux empêcher cela d’arriver ? Écrivez bien que je n’ai absolument rien à cirer de l’intérêt éventuel des sponsors et des télévisions. C’est regrettable pour les Tre Fiori, je ne sais pas quelle a été la logique des dirigeants, mais la dignité n’a pas de prix. Vous, par exemple, vous jouez au ballon avec vos amis, non ? Et alors pourquoi Gnocchi devrait jouer en Champions League et pas vous ? Parce qu’il passe à la télé sur la Sky et sur la Rai ? Quel est le rapport ? Quant aux moyens que j’ai pour bloquer la signature de Gene, ne vous en inquiétez pas. Je donnerai ma réponse technique d’ici la fin de la semaine prochaine. Il est certain que la raison parle pour moi. Saint-Marin joue avec ses équipes, elles perdent, d’accord, mais elle ne sont pas là pour amuser la galerie. La validation des licences est ma prérogative. Je dis non à Gnocchi. Et puis bon, il y a une limite à tout. Il y a un an, on est venu me dire que Michael Schumacher – vous savez peut-être qui c’est – pouvait être disponible pour jouer le tour préliminaire de la Champions avec l’un de nos clubs. L’ancien pilote allemand est probablement quelqu’un de sérieux, mais j’ai tout de suite dit non. Il y a des choses qui n’ont pas de prix, je parle du sérieux et de la dignité. Nos équipes seront probablement éliminées : pensez-vous sérieusement que les choses pourraient en aller autrement avec la titularisation de Gene Gnocchi pour une minute ou une heure ? »