Calciomio poursuit son dossier sur le procès Calciopoli, pour ceux qui ont manqué quelques épisodes, voici un résumé en deux articles proposé par Pierre Galafassi. Un calcionaute (un vieux sage juventino) qui suit de près tous les événements de cette affaire et s’est proposé d’en faire un compte-rendu afin que les passionnés français de football italien (ainsi que les journalistes français) soient définitivement bien informés sur le sujet. Il est désormais clair et net que Calicopoli n’est pas le scandale que l’on croit. Bien au contraire.

Les événements se précipitent au procès pénal de Naples qui juge l’ancien directeur général de la Juventus Moggi et ses présumés complices dans le scandale Calciopoli. On se souvient que le procès sportif de 2006, entouré d’un battage médiatique sans précédent, avait envoyé la Juventus en Serie B, l’avait forcé à démanteler l’équipe (sept départs), l’avait privé de deux scudetti, dont un gracieusement offert par la FIGC à l’Inter, troisième du championnat 2005-2006. Le Milan AC, second de ce championnat derrière la Juve, avait été également impliqué dans Calciopoli, mais avait subi une punition moins sévère, sans rétrogradation en Serie B et sans annulation de sa participation à la Ligue des Champions. Dans ce procès, non contradictoire selon les règlements internes de la FIGC, Moggi et la Juve n’avaient pu se défendre des accusations portées contre eux. Les défenseurs n’auraient d’ailleurs pas eu le temps matériel de prendre connaissance du dossier, comprenant 150 000 écoutes téléphoniques ! A part le quotidien “Libero” pratiquement aucun journal italien n’avait jugé bon de relayer les arguments de ceux qui défendaient les accusés ou s’étonnaient des étrangetés du procès sportif. Pas même “La Stampa” journal contrôlé par la famille Agnelli.

La Juve, menacée de se retrouver en Serie C (ce qui aurait signifié une faillite du club presque certaine) si elle sortait du cursus juridique de la FIGC pour se défendre et mal conseillée par un proche très influent de la famille Agnelli, avait renoncé à s’adresser à la juridiction civile du TAR et acceptait la sentence «si les autres équipes également impliquées subissaient la même». Cette défense, jugée inepte par beaucoup de juventini, a suscité depuis bien des théories et permet aux tifosi adverses d’insinuer que « la Juventus a reconnu ses torts ». Mais ce n’est qu’au procès pénal de Naples que les défenseurs de Moggi ont pu accéder au dossier complet de l’accusation et ont pu obtenir en 2009 les fichiers informatiques des écoutes téléphoniques sur lesquels était censé se baser l’essentiel des accusations de 2006. Les défenseurs de Moggi se sont alors, avec cinq ans de retard, attelés au travail pharaonique de l’examen de ces écoutes, travail effectué avant eux à partir de 2004 par une équipe de 12 carabiniers aux ordres du lieutenant-colonel Auricchio et des procureurs de la République Narducci et Beatrice.

En avril 2010 les défenseurs ont pu présenter à la cour un nombre important d’écoutes donnant un tableau de l’affaire Calciopoli très différent de celui évoqué par les enquêteurs en 2006, de nouvelles écoutes contredisant les théorèmes accusateurs et impliquant d’autres équipes ont depuis été découvertes et continuent d’être publiées presque chaque semaine. Une partie de ces faits nouveaux a fait l’objet d’un rapport officiel du procureur sportif Palazzi à la FIGC, publié en Juin 2011, avec un retard surprenant de 14 mois. Ce rapport accuse formellement l’Inter et quelques autres équipes de multiples violations de l’article 6 et de l’article 1. Les équipes en question n’encourent aucune peine, car les infractions sont, depuis peu, prescrites. Il est maintenant presque avéré que les directeurs de l’enquête (soit le lieutenant colonel Auricchio, soit le procureur Narducci, soit les deux) ont dissimulé à la justice sportive en 2006, puis à la cour pénale de Naples toutes les écoutes contredisant la théorie de la culpabilité de Moggi et de ses co-inculpés, toutes les écoutes prouvant des infractions de l’Inter, ainsi qu’une partie des infractions d’autres équipes, dont le Milan et la Roma. Un certain nombre de ces infractions sont graves et passibles de lourdes sanctions sportives. Par infraction grave (illecito) on doit entendre celles tombant sous le coup de l’article 6 du code de la FIGC et seules susceptibles de justifier une rétrogradation en Serie B par exemple.

Il est important de rappeler ici qu’aucune des infractions retenues en 2006 contre Moggi et la Juve ne tombait sous le coup de l’article 6 et qu’aucune n’a pu être invoquée à Naples. Les très sévères sanctions n’ont pu être justifiées en 2006 que par la création ad-hoc de “l’article 6 structurel” : Une somme d’article 1 (infractions mineures) équivalant un “article 6 structurel “. Les notes des 12 carabiniers enquêteurs, retrouvées dans le dossier informatique par la défense prouvent sans le moindre doute que ces derniers avaient assez correctement fait leur travail d’écoutes téléphoniques, en commentant la gravité de chaque écoute et en la notant par les fameuses “moustaches” (trois moustaches rouges identifiant une infraction sportive et pénale grave, une moustache jaune identifiant une peccadille). Mais qu’à l’étage hiérarchique supérieur un filtrage avait été effectué. En même temps, les auditions des témoins cités par l’accusation au procès civil de Naples, (en particuliers celles d’Auricchio, du carabinier chargé de traiter l’affaire dite des SIM suisses, de l’ex-arbitre Nucini, cheval de Troie de l’Inter) et de Baldini, ex-dirigeant de la Roma) tournaient à la confusion de l’accusation, les témoins sous serment étant non seulement incapables de prouver quoique ce soit, mais se rétractant, invoquant des on-dits, voire se mettant, pour trois d’entre eux (ceux cités ci-dessus), en position d’être accusés par la défense de faux témoignage, de dissimulation de preuves et de diffamation.

Il faudra attendre la sentence de Mme la Juge Casoria en Novembre pour savoir ce que la cour retiendra in-fine contre Moggi, mais il est certain dès à présent qu’un tableau du scandale Calciopoli très différent de ce qu’avait voulu nous faire croire le procès sportif de 2006 et une certaine presse émergera.