Pourtant habitué aux parcours atypiques des joueurs français exilés en Italie, Calciomio a été surpris par la trajectoire de Vincent Laurini, l’actuel défenseur de l’Empoli qui nous raconte comment il a réussi à percer dans le football italien en partant de tout en bas.

Tu es originaire de Thionville en Moselle et tu effectues ta formation dans les clubs du coin

A Metz dans un premier temps et après à 16 ans je vais en centre de formation à Sedan où j’ai joué avec la réserve en CFA2 et fait quelques entrainements avec les pros.

On est en 2008, tu as 19 ans et tu débarques en Italie, raconte-nous

En fait, mes grands-parents sont originaires de Gubbio (en Ombrie, ndlr) et ils connaissaient bien le directeur sportif du club qui évoluait à l’époque en Serie C2. J’ai fait un mois d’essai durant l’été mais malheureusement, ils ont considéré que je n’étais pas à la hauteur.

Et donc tu rebondis dans le club de Bikkenbergs Fossombrone, petite bourgade de 10.000 habitants dans les Marches dont le styliste belge est tombé amoureux, on en a même beaucoup parlé à l’époque avec les fameux maillots design

Je connaissais déjà Bikkembergs, puisqu’à 16 ans j’avais fait des photos pour lui. Il se trouve que Fossombrone c’est à une vingtaine de minutes de voiture de Gubbio. Je l’ai appelé et je lui ai demandé s’il y avait la possibilité de jouer là-bas.

Le club était en Eccellenza, sixième niveau italien et non professionnel, comment ça se passe ?

Effectivement, c’était amateur mais avec Bikkembergs président, c’était un club qui avait des ambitions assez importantes, il voulait vite monter en pro jusqu’en Serie C.

Tu travaillais à côté ?

Non, je survivais plus ou moins avec mon petit salaire, j’avais ma petite maison, je faisais les entrainements et pas grand chose d’autre, tout en gardant le rêve de jouer dans les catégories supérieures.

On imagine que tu n’as pas eu de problèmes d’intégration avec l’Italie ?

Effectivement, je connaissais déjà bien la langue et le pays, petit je passais un mois et demi en vacances chaque été à Gubbio donc l’Italie je connaissais déjà !

On imagine également que le foot italien t’attirait…

Ah oui, moi mon équipe c’est le Milan !

Avec Fossombrone vous montez dès ta première saison, l’année suivante en Serie D vous êtes seconds et vous vous inclinez seulement aux play-off, vient ensuite l’intérêt du club de Carpi.

Il y avait d’autres opportunités en Serie C1 mais le directeur sportif de Carpi a insisté pour que j’aille là-bas, il me garantissait du temps de jeu. Le projet était solide, d’ailleurs le club qui venait de Serie D monte de suite en C1 en remportant le championnat.

Deux mois seulement après ton arrivée là-bas, en octobre 2010, on parle d’un intérêt de la Juve, il y avait quoi de vrai ?

J’ai lu tous les articles de journaux, en fait ils me suivaient pour la Primavera, ça ne s’est pas concrétisé sans que je ne sache trop pourquoi, je pense que l’agent et le club n’ont tout simplement pas voulu.

Avec Carpi, vous jouez – et perdez – directement les play-off pour la montée en Serie B contre la Pro Vercelli, quel souvenir gardes-tu de ce club ?

Que l’on peut y progresser tranquillement sans pression et les supporters sont tranquilles.

Nous voilà à l’été 2012 lorsque l’Empoli t’achètes en copropriété, pourquoi ce choix ?

Parce que c’est un club comme Carpi qui donne sa chance aux jeunes, sans trop de pression, ce sont deux petites villes plus ou moins identiques. C’est vraiment le club idéal.

La saison dernière après un début difficile, tu frôles même la montée en Serie A !

On prend 2 points lors des 10 premiers matches, on voulait se sauver et c’est tout, jamais on n’aurait pensé faire cette saison de fou, on enchaine les victoires et on atteint la 4ème place synonyme de play-off.

Justement est-ce que tu étais satisfait de la remontée ou déçu de la défaite en play-off contre Livorno ?

Non j’ai vraiment un gros regret parce qu’au final on se dit qu’on a fait tout ça pour rien, en perdant le dernier match, celui qu’il ne faut pas perdre. Mais on retente cette année !

Récapitulons, en 2008 tu signes dans un club de sixième niveau italien, puis tu montes chaque année d’une catégorie pour te retrouver aux portes de la Serie A cinq ans plus tard, tu maitrises cette ascension fulgurante ?

J’ai eu un peu de chance de me retrouver à chaque fois dans le bon club, dans le bon groupe…un peu de malchance parce que l’an dernier on perd aux play-off pour la Serie A. J’aurais fait six montées en six ans ! Mais je suis super fier, je n’aurais jamais imaginé que ça puisse arriver, s’il y a six ans on m’avait dit “dans 4, 5 ans t’es en Serie B”, j’aurais dit qu’on se foutait de ma gueule. J’espère surtout que je ne vais pas m’arrêter en si bon chemin, je veux tout donner pour aller en Serie A.

Parlons un peu de ton poste sur le terrain, toi qui est titulaire sur le côté droit de la défense

Je suis arrière latéral, je peux aussi bien jouer à droite qu’à gauche dans une défense à 5 ou 4 même si je préfère cette dernière. Je suis plus à l’aise dans la phase défensive, assez rapide, j’aime bien défendre, après quand je peux, je me projette vers l’avant pour décocher quelques bons centres dans la surface.

En revanche, à 24 ans, tu n’as toujours pas marqué ton premier but en pro.

Non ça doit encore venir, c’est un truc que je voudrais faire mais pour l’instant ça veut pas !

A Empoli, tu fréquentes le fameux duo d’attaque Maccarone-Tavano.

Ce sont des champions, des grands joueurs qui ont une super carrière, en Serie A ou même en Nazionale pour Maccarone. J’apprends tous les jours d’eux, sur et en dehors du terrain.

Un mot sur ton coach Maurizio Sarri ?

J’ai un bon rapport, même si c’est un fou, c’est une “tête chaude” comme on dit en Italie, un peu taré, mais il est tranquille !

Avec l’Empoli cette année, vous repartez aussi pour vous sauver, et au final vous êtes actuellement seconds, même s’il y a de la concurrence pour la montée

Palermo, Pescara, Avellino, Siena, beaucoup visent la montée, ça va être dur jusqu’à la fin, pour le moment on est bien parti, on espère continuer.

La France te parait loin ?

Plutôt oui, d’autant que je suis originaire du Nord de la France, je rentre chez moi que l’été et pour une semaine. La famille me manque mais en Italie je me trouve bien, je n’ai pas de problèmes de nostalgie.

T’aimerais y rentrer jouer ?

Pour le moment je n’y pense pas trop, mais on ne sait jamais, d’autant que maintenant le niveau de Ligue 1 n’a plus rien à voir par rapport à quand j’ai quitté la France. Donc ce serait dur de refuser.

Penses-tu justement que la France du foot se souvient de toi ?

Non je suis parti jeune, je n’ai pas gardé beaucoup de contacts, j’ai un peu disparu des radars.

Empoli c’est un peu la dernière ville toscane qu’on pense à visiter non ?

C’est sur qu’il vaut mieux aller à Florence, Sienne ou Pise, moi je suis toujours à Florence par exemple, c’est à dix minutes en voiture.

Et hors du terrain, où en es-tu ?

Je suis en couple depuis trois ans avec une italienne, j’ai transféré toute ma vie en Italie !