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Calciopoli : et maintenant ?

13 février 2012 à 20h30         Valentin Pauluzzi
Calciopoli : et maintenant ?

Calciopoli : et maintenant ?

Juventus Turin Juventus 

Cela fait bientôt six ans que Calciopoli a explosé et on en parle encore. C’est d’ailleurs tout à fait légitime au vu des multiples rebondissements de ces dernières années, et ce n’est pas fini. Voici quelques considérations générales concernant la suite de ce “feuilleton”.

Part 1 : Rappel des faits
Part 2 : La Juve blanchie
Part 3 : Moggi coupable

La suite du procès

Le procès pénal n’est pas terminé, ceci n’était que le premier degré de la justice civile, il va y a voir maintenant un procès en appel qui devrait démarrer avant la fin de l’année. Juste avant il y aura le procès en appel des accusés qui ont choisi la “formule rapide” (“rito abbreviato”), certains par fatalité, d’autres car n’ayant pas les moyens de se payer un long procès. Et après, il y aura le troisième degré, la recours en cassation. Ce parcours juridique pourrait durer encore quelques années…jusqu’à la prescription. En effet, cela pourrait mettre fin à ce procès, au profit de qui ? Un peu de tout le monde, par exemple Moggi et consorts n’iraient pas purger de peine en prison, mais ne pourraient pas non plus démontrer leur innocence puisque tout serait stoppé et entériné. Parallèlement et depuis quelques mois, la Juve désormais blanchie, fait recours auprès de toutes les instances sportives (et bientôt civiles) pour récupérer les deux scudetti qu’on lui a retirés et pour être dédommagée de cette relégation administrative qui lui a causé d’innombrables pertes financières. Des requêtes reparties de plus belles depuis que la sentence de novembre est tombée et que les attendus ont été publiés la semaine dernière. Le président Agnelli a été clair, il ne lâchera rien.

La Table de la paix

Alors que la Juventus ne fait que se défendre, les instances du football et du sport italien n’apprécient guerre, la critiquant ouvertement et qualifiant tout ça de “doping légal”. Des tensions diplomatiques qui ont amené tout ce beau petit monde à se retrouver autour de la fameuse Table de la paix, démontrant combien Calciopoli avait pris une tournure différente. Le tout partant des dirigeants de la Fiorentina demandant à Moratti de s’expliquer suite aux accusations portées par le rapport Palazzi mi-2011. Ainsi, les hautes instances du football italien avaient décidé de se réunir en décembre, FIGC, CONI, dirigeants du Milan, de la Juve, l’Inter, la Fiorentina, du Napoli. Une décision prise pour calmer les esprits suite à une surenchère dialectique devenue dangereuse les semaines qui ont précédé cette tablée. Ce revirement a bien entendu mis dans l’embarras la FIGC et le CONI, dont les organes de justice se sont déclarés tour à tour incompétents concernant les requêtes de la Juventus. Il faut savoir que ce jour-là, un document reconnaissant une certaine partialité lors du procès de 2006, ainsi que certaines défaillances (un premier aveu donc) avait été soumis par le président du CONI Petrucci, le but était de le faire signer et de tourner la page. Tentative loupée. Tout le monde est resté sur sa position.

Le parallèle avec le Calcioscommesse

En ce moment, un scandale bien plus grave est en train de secouer le monde du football italien. Celui des matches arrangés visant à faire fructifier les gains des paris sportifs, un vrai scandale de corruption, mallette de billets, joueurs concernés, mafia italienne et étrangère, matches faussés etc…On peut établir un parallèle très intéressant par rapport à la façon dont ont été traités ces deux affaires. On a rappelé comment Calciopoli avait été “vendu” par la presse (notamment la Gazzetta dello Sport) en 2006. Concernant le Calcioscommesse, on a vu une presse beaucoup plus prudente qui a peut-être retenu la leçon, évitant d’accuser à tort et à travers, n’hésitant pas à faire des remontrances à l’un des enquêteurs qui s’était permis de tenir des propos tendant à généraliser ce scandale à l’ensemble de la Serie A. Un scandale qui a surement fait moins de bruit, car ne concernant pas d’équipes de premier plan.

Cela dit, un procès sportif a eu lieu, des sanctions sont tombées, ces dernières ne révolutionnant pas les championnats. Un scandale également beaucoup plus limpide puisque de nombreux accusés sont passés aux aveux. La justice sportive à cette fois pris son temps, d’ailleurs l’enquête suit son cours, des joueurs sont encore auditionnées, un autre procès sportif va commencer. Mais surtout, on y est allé molo avec la responsabilité objective des clubs concernés, en effet, une équipe comme l’Atalanta aurait pu se voir priver de promotion en Serie A. Mais puisque son capitaine Doni agissait seul, on l’a juste pénalisée de quelques points. Bref, pas de précipitation, pas de tapage médiatique, pas de surenchère inutile ni de vindicte populaire. Comme quoi un procès peut être juste et efficace sans chercher à chambouler l’histoire du football italien. Voilà comment aurait peut-être dû se passer Calciopoli.

Quid de Luciano Moggi ?

Un mot sur Luciano Moggi, ou plutôt une considération importante. La rédaction de Calciomio n’a aucun intérêt à défendre ce monsieur, d’autant plus qu’objectivement, ce ne sont pas les casseroles qui lui manquent, même s’il est bien entendu loin d’être le seul. Cela dit, 5 ans et 4 mois de prison pour les faits qui lui sont reprochés semblent vraiment disproportionnés, et surtout la durée est égale à ce qu’a demandé le procureur bien que beaucoup de ses accusations aient été démontées. Cependant, il est évident que Luciano Moggi entretenait des rapports plus qu’amicaux avec bon nombres de personnes du monde du football (qu’il fréquente cependant depuis des décennies), en attestent ces fameuses cartes Sim offertes aux désigneurs arbitraux (car il en avait deux de plus selon sa justification), une des zones d’ombre de cette affaire qui sera probablement éclairée en appel.

Il avait très probablement une aura importante et de très bons amis et sa “prose” était particulière, à la Moggi. Cela dit, que dire d’un certain Adriano Galliani alors président de la Ligue italienne aux moments des faits ? Et quand bien même tout ceci lui aurait permis de fausser les championnats, il faut encore que cela soit corroboré par des erreurs d’arbitrage volontaires, que ses “copains” désigneurs lui aient choisi des arbitres, qu’ils aient recommandé à ces mêmes arbitres d’agir en faveur de la Juventus (une des dernières écoutes prouvera justement le contraire). C’est ce qu’il manque cruellement dans ce scandale, ce fameux rapport de cause à effet, ou des preuves tangibles, le verdict final de la juge étant “un climat particulier créé par Moggi”. On est loin de l’association de malfaiteurs ou des agissements mafieux que l’on a pu lire un peu partout.

L’Inter forcément concernée

Il serait hypocrite de ne pas faire la moindre référence à l’Inter quand on parle de Calciopoli. En aucun cas la rédaction de Calciomio accuse les nerazzurri de quoi que ce soit. Ce serait reproduire le schéma adopté par ceux qui encore aujourd’hui accusent la Juventus d’avoir truqué des championnats. Toutefois, on ne peut pas nier que dans ce procès, de 2006 à aujourd’hui, on retrouve l’Inter un peu partout, par Tronchetti Povera, par le fameux Guido Rossi, par l’incroyable histoire de l’arbitre Nucini, ou autres témoins appelés à témoigner en faveur de l’accusation (un des fils Facchetti par exemple), parce que le rapport de 2011 de Palazzi accusant l’Inter de fraude sportive lors de la fameuse saison incriminée est une des conséquences des débats de ce procès. Un rapport qui n’a pourtant absolument pas effleuré l’Inter, cette dernière restant sur ses positions concernant le fameux scudetto de 2006.

L’Inter n’est pas plus coupable qu’un autre, les écoutes ont démontré qu’il lui arrivait aussi d’essayer de faire gentillement pression sur les désigneurs, sans aucun résultat effectif sur le terrain (comme pour la Juve). Tout au plus, ces écoutes fouinées par la défense Moggi démontrent bien que c’était une “habitude” de tous les dirigeants (et parfois entraineurs). Cela dit, ces derniers événements ont tout même ébranlé un tantinet l’Inter de par ces quelques coïncidences (Tronchetti, Rossi, écoutes “cachées” etc…), car Calciopoli était devenue l’excuse parfaite pour justifier des années d’échecs sportifs sur le plan national et international. Un discours par ailleurs assez hypocrite puisque les scandales arbitraux continuent de s’enchainer de bon train depuis 2006. Avant, ces erreurs étaient pilotées. Et maintenant, elles ne sont que le fruit de la bonne foi d’arbitres mal préparées ? Cela dit, on peut très bien comprendre la position de l’Inter (dirigeants, joueurs, supporters), car faire la moindre concession concernant ce sujet pourrait être interprété comme une remise en cause de la légitimité de ses succès post Calciopoli.

Tourner la page ou ne pas oublier ?

Il est temps d’apporter une conclusion à cette affaire (avant probablement d’autres rebondissements, on s’attend à tout désormais). De nombreux dirigeants ou personnes du monde du foot italien qui se sont arrêtés à l’été 2006 tiennent le même discours “tourner cette page noire du calcio et aller de l’avant”. Un discours qui a le don d’agacer nombre de juventini et pas seulement. Petit à petit, on apprend que tout ce qui a été reproché à la Juventus est infondé, qu’il y a eu de graves défaillances dans l’enquête ainsi que le procès sportif, que la hiérarchie du football italien a été chamboulée pour quelque chose qui ne s’est pas passé, que la Juve a connu la “honte” de la Serie B pour la première fois de son histoire, que le football italien (Nazionale, perfs en Europe) s’en est retrouvé très affaibli. Et il faudrait oublier et tourner la page ? Difficile d’abonder dans ce sens.

Enfin, que des supporters aveuglés par leur foi footballistique tiennent des discours simplistes et généralistes sur la signification primaire de Calciopoli, c’est une habitude et un grand classique. Mais que certains dirigeants, entraineurs, personnages importants du monde du calcio, rédactions journalistiques tiennent ce même discours est beaucoup plus inquiétant et mériterait une sérieuse remise en question de leur part. En vain.

Valentin Pauluzzi       Twitter @CalcioBilly

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